Le President Macron au congres de Versailles 2017

Emmanuel Macron a exposé ce lundi les grandes lignes de son quinquennat face au Congrès, réuni à Versailles. Voici son discours tel que l’Elysée l’a fourni


En son article 18, la Constitution permet au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en congrès. Il est des heures qui, de cette possibilité, font une nécessité. Les heures que nous vivons sont de celles-là. Le 7 mai dernier, les Français m’ont confié un mandat clair. Le 18 juin, ils en ont amplifié la force en élisant à l’Assemblée nationale une large majorité parlementaire. Je veux aujourd’hui vous parler du mandat que le peuple nous a donné, des institutions que je veux changer et des principes d’actions que j’entends suivre.

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I. Ce sont mille chemins différents qui nous ont conduits ici aujourd’hui, vous et moi, animés par le même désir de servir. Et même si ce désir n’a pas le même visage, pas la même forme, même s’il n’emporte pas les mêmes conséquences, nous en connaissons vous et moi la source : le simple amour de la patrie. Certains font de la politique depuis longtemps ; pour d’autres, au nombre desquels je me range, c’est loin d’être le cas. Vous soutiendrez ou vous combattrez, selon vos convictions, le gouvernement que j’ai nommé. Mais à la fin nous savons tous que quelque chose de très profond nous réunit, nous anime et nous engage. Oui, le simple amour de la patrie – que celle-ci s’incarne dans la solitude des collines de Haute Provence ou des Ardennes, dans la tristesse des grands ensembles où une partie de notre jeunesse s’abîme, dans la campagne parfois dure à vivre et à travailler, dans les déserts industriels, mais aussi dans la gaieté surprenante des commencements. De cet amour nous tirons tous, je crois, la même impatience, qui est une impatience d’agir. Elle prend parfois les traits de l’optimisme volontaire, d’autres fois ceux d’une colère sincère. Toujours elle découle de cette même origine. Nous avons, vous et moi, reçu le mandat du peuple. Qu’il nous ait été donné par la nation entière ou par les électeurs d’une circonscription, ne change rien à sa force. Qu’il ait été porté par le suffrage direct ou par le suffrage indirect ne change rien à sa nature. Qu’il ait été obtenu voici un certain temps déjà, ou bien récemment à l’issue d’une campagne où toutes les opinions ont pu s’exprimer dans leur diversité, et que vous incarniez ces opinions différentes, ne change rien à l’obligation collective qui pèse sur nous. Cette obligation est celle d’une transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles ou avec les années agitées – toutes au résultat également décevant. C’est par cette voie que nous retrouverons ce qui nous a tant manqué, la confiance en nous, la force nécessaire pour accomplir nos idéaux. Ce qui nous est demandé par le peuple français, c’est de renouer avec l’esprit de conquête qui l’a fait, pour enfin le réconcilier avec lui-même. En vous élisant, dans votre nouveauté radicale, à l’Assemblée nationale, le peuple français a montré son impatience à l’égard de ce monde politique fait de querelles stériles et d’ambitions creuses où nous avions vécu jusqu’alors. C’est à une manière de voir la politique qu’il a donné congé. En accordant leur confiance à des femmes et des hommes nouveaux, les Français ont exprimé une impérieuse attente, la volonté d’une alternance profonde. Je suis sûr que vous en êtes tous aussi conscients que moi. Et je sais bien, aussi, que les sénateurs en ont une pleine conscience, bien que leur élection soit plus ancienne, parce qu’ils ont perçu, eux si attentifs par nature aux mouvements du temps, les espoirs nouveaux que l’expression du suffrage universel direct a fait naître. Etre fidèle à ce que le peuple français a voulu suppose donc une certaine forme d’ascèse, une exigence renforcée, une dignité particulière. Les mauvaises habitudes reviennent vite. Marqués par une époque de cynisme, de découragement, et j’ose le dire de platitude, nombreux encore sont ceux qui spéculent sur un échec qui justifierait leur scepticisme. Il vous appartiendra, il nous appartiendra de les démentir. Et il nous appartiendra aussi de convaincre tous ceux qui attendent, qui nous font confiance du bout des lèvres, tous ceux qui n’ont pas voté. Tous ceux aussi que la colère et le dégoût devant l’inefficacité de leurs dirigeants politiques ont conduit vers des choix extrêmes, d’un bord ou de l’autre de l’échiquier politique, et qui sont des choix dont la France, dans sa grandeur comme dans son bonheur, n’a rien à attendre. Ce mandat du peuple que nous avons reçu, quel est-il exactement? Pour le savoir, il faut sortir de ce climat de faux procès où le débat public nous a enfermés trop longtemps. Il nous faut retrouver de l’air, de la sérénité, de l’allant. Il y faut un effort parce que ces faux procès sont nombreux. S’agit-il de réformer le droit du travail, pour libérer, dynamiser l’emploi au bénéfice d’abord de ceux qui n’en ont pas? On nous dira qu’il s’agit d’adapter la France aux cruautés de l’univers mondialisé ou de satisfaire au diktat de Bruxelles. S’agit-il de réduire nos dépenses publiques pour éviter à nos enfants de payer le prix de nos renoncements? On nous dira que nous remettons en cause notre modèle social. S’agit-il de sortir de l’état d’urgence ? On nous dira d’un côté que nous laissons la France sans défense face au terrorisme, et de l’autre que nous bradons nos libertés. Eh bien, rien de tout cela n’est vrai. Derrière tous ces faux procès, on trouve le même vice, le vice qui empoisonne depuis trop longtemps notre débat public : le déni de réalité, le refus de voir le réel en face. L’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique et social que sécuritaire. Là-dessus, j’ai toujours considéré que le peuple français est plus sage et plus avisé que beaucoup ne le croient. Si bien que je pense profondément que le mandat que nous avons reçu du peuple est un mandat à la fois exigeant et profondément réaliste, et que pour l’accomplir nous devons nous placer au-delà de la stérilité de ces oppositions purement théoriques et qui, si elles garantissent de beaux succès de tribune, n’apportent rien. Notre premier devoir est tout à la fois de retrouver le sens et la force d’un projet ambitieux de transformation de notre pays et de rester arrimés au réel. De ne rien céder au principe de plaisir, aux mots faciles, aux illusions pour regarder en face la réalité de notre pays sous toutes ses formes. Ce mandat du peuple, donc, quel est-il?

A.

C’est d’abord le mandat de la souveraineté de la nation. C’est de pouvoir disposer de soi-même, malgré les contraintes et les dérèglements du monde. Voyons la réalité en face. Les forces de l’aliénation sont extrêmement puissantes. Aliénation à la nouvelle division du travail qui s’esquisse dans un univers en transformation profonde, où le numérique recompose des secteurs entiers de l’économie, bouscule des équilibres et des emplois. Aliénation à la misère, à la pauvreté, ou même seulement à l’insatisfaction, si nous ne permettons pas à chacun de trouver un travail qui lui corresponde, qu’il soit heureux d’accomplir, une place et une dignité qui soit la sienne dans la société. Aliénation à la contrainte financière, si nous ne rétablissons pas notre budget, si nous ne réduisons pas notre dette publique. Aliénation à la volonté d’autres pays, dans l’Europe comme au sein de nos alliances, si nous ne remettons pas nos affaires en ordre. Aliénation à la terreur islamiste, si nous ne trouvons pas le moyen de la détruire sans rien lui céder de nos valeurs, de nos principes. Aliénation de notre avenir, si nous ne parvenons pas à organiser la transition écologique, à protéger la planète. Aliénation de notre vie dans ce qu’elle a de plus quotidien, si les aliments que nous mangeons, l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, nous sont imposés, et pour le pire, par les seules forces d’une compétition internationale devenue anarchique. Je crois fermement que sur tous ces points, le peuple nous a donné le mandat de lui rendre sa pleine souveraineté.

B.

Mais c’est aussi le mandat du projet progressiste, d’un projet de changement et de transformation profonds. Nos concitoyens ont fait le choix d’un pays qui se remette en marche. Ils l’ont fait parce qu’ils savent bien, parce que nous savons bien, que, dans un monde bouleversé par des changements profonds, sans ce mouvement, sans cette énergie créatrice la France n’est pas la France. Ils savent, parce que cela a été notre expérience commune de ces dernières années, qu’une France arrêtée s’affaisse, se divise, qu’une France apeurée, recroquevillée et victime, s’épuise en querelles stériles et ne produit que du malheur, malheur individuel et malheur collectif. Elle est là, notre mission historique. Cette mission, la mienne, celle du Gouvernement et la vôtre, n’est pas dévolue à un petit nombre. Elle est dévolue à tous, chacun pour sa part. La France possède des trésors de créativité et des ressources inépuisables. En disant cela je ne pense pas seulement à nos médailles Fields, à nos prix Nobel, aux grands artistes, aux grands chercheurs, aux créateurs d’entreprises, aux grands serviteurs de l’Etat, civils et militaires. Je pense à chaque Française, à chaque Français, soucieux de bien faire et de mener une vie digne de lui. Elle est là, la vraie richesse d’un pays et le mandat qui nous est donné, c’est de créer de l’unité où il y avait de la division. De redonner à ceux qui sont exclus la simple dignité de l’existence, leur juste place dans le projet national. De permettre à ceux qui créent, inventent, innovent, entreprennent, de réaliser leurs projets. De rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font. Le mandat du peuple, ce n’est pas d’instaurer le gouvernement d’une élite pour elle-même, c’est de rendre au peuple cette dignité collective qui ne s’accommode d’aucune exclusion. Seulement voilà: jusqu’ici, nous avons fait fausse route. Nous avons préféré les procédures aux résultats, le règlement à l’initiative, la société de la rente à la société de la justice. Et je crois profondément que par ses choix récents notre peuple nous demande d’emprunter une voie radicalement nouvelle. Je refuse de choisir entre l’ambition et l’esprit de justice. Je refuse ce dogme que pour bâtir l’égalité il faudrait renoncer à l’excellence, pas plus que pour réussir, il ne faut renoncer à donner une place à chacun. Le sel même de notre République est de savoir conjuguer ces exigences. De faire tout cela, en quelque sorte, “en même temps”. Cette voie désoriente tous ceux qui s’étaient habitués à faire carrière sur les schémas anciens. Il en est ainsi à chaque période de renouveau et nous n’avons pas à nous en inquiéter. Mais nous avons à prendre la mesure des efforts que va nous imposer cette formidable soif de renouvellement dont nous sommes, vous et moi, les porteurs.

C.

Le mandat du peuple, c’est aussi le mandat de la confiance et de la transparence. Nous sommes un vieux peuple politique. La politique est importante pour nous. Et c’est parce qu’elle l’est que les Français avaient fini par s’exaspérer de voir l’espérance confisquée par des professionnels.. Vous êtes aujourd’hui, ici, l’expression de ce désir de changement qu’il nous est interdit de trahir. Et ce changement doit aussi porter sur les comportements. Il ne peut y avoir de réforme sans confiance. Il ne peut y avoir de confiance si le monde politique continue d’apparaître comme le monde des petits arrangements, à mille lieues des préoccupations des Français. La loi que le gouvernement proposera à vos suffrages n’a pas d’autre but. Nous avons déjà changé depuis plusieurs années et nous avons changé en bien. Nous avons cessé de supporter ce qui semblait presque normal autrefois, l’opacité, le clientélisme, les conflits d’intérêt, tout ce qui relève de la corruption ordinaire, presque impalpable. Pour autant, nul n’est irréprochable. Car si l’exigence doit être constante, si nous sommes tous dépositaires de la dignité qui sied à nos fonctions et chaque jour nous oblige, la perfection n’existe pas. Oui, nous voulons une société de la confiance. Pour cela une loi ne suffit pas. C’est un comportement de chaque jour. Mais nous voulons aussi cette confiance parce que la société de la délation et du soupçon généralisés, qui était jusque-là la conséquence de l’impunité de quelques puissants, ne nous plaît pas davantage. La loi du gouvernement sera votée, je n’en doute pas. Mais après qu’elle l’aura été, j’appelle à la retenue, à en finir avec cette recherche incessante du scandale, avec le viol permanent de la présomption d’innocence, avec cette chasse à l’homme où parfois les réputations sont détruites, et où la reconnaissance de l’innocence, des mois, des années plus tard, ne fait pas le dixième du bruit qu’avait fait la mise en accusation initiale. Cette frénésie est indigne de nous et des principes de la République.

D.

Le mandat du peuple, c’est enfin le mandat de la fidélité historique. Les Français demandent à leur gouvernement de rester fidèle à l’histoire de la France. Encore faut-il s’entendre sur le sens que l’on donne à ces mots. Ces dernières années, l’histoire a été prise en otage par le débat politique. Nous avons vu fleurir l’histoire pro-coloniale et celle de la repentance, l’histoire identitaire et l’histoire multiculturelle, l’histoire fermée et l’histoire ouverte. Il n’appartient pas aux pouvoirs, exécutif ou ou législatif, de décréter le roman national, que l’on veuille lui donner une forme “réactionnaire” ou une forme “progressiste”. Cela ne signifie pas que l’histoire de France n’existe pas. Qu’il ne faut pas en être fier tout en regardant lucidement ses coins d’ombres et ses bassesses. Mais pour nous, elle doit prendre la forme, non d’un commentaire, mais d’une action résolue en faveur du meilleur. Parce que c’est dans cette action que nous pouvons retrouver les grands exemples du passé, nous en nourrir et les prolonger. Et à la fin, nous aussi, nous aussi nous aurons fait l’histoire, sans nous être réclamés abusivement de ce qu’elle pourrait être, mais en gardant nos esprits et nos volontés tendus vers le meilleur. C’est ce que nous appelons le progressisme. Ce n’est pas de penser que toute nouveauté est forcément bonne. Ce n’est pas d’épouser toutes les modes du temps. C’est, à chaque moment, pas après pas, de discerner ce qui doit être amendé, corrigé, rectifié, ce qui doit être à certains endroits plus profondément refondé, ce qui manque à la société pour devenir plus juste et plus efficace, ou, plus exactement, plus efficace parce que plus juste, plus juste parce que plus efficace. C’est une éthique de l’action et de la responsabilité partagée. C’est la fidélité à notre histoire et à notre projet républicain en acte. Car la République, ce n’est pas des lois figées, des principes abstraits. C’est un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité, chaque jour resculpté et repensé à l’épreuve du réel. L’action politique n’a de sens que si elle est accomplie au nom d’une certaine idée de l’homme, de son destin, de sa valeur indépassable et de sa grandeur. Cette idée, la France la porte depuis longtemps. Rien d’autre ne doit compter à nos yeux. Ce n’est pas la société des entrepreneurs que nous voulons, ou la société de l’équilibre des finances publiques, ou la société de l’innovation. Tout cela est bien, tout cela est utile. Mais ce ne sont que des instruments au service de la seule cause qui vaille, une cause à laquelle le nom de la France est attaché depuis bien longtemps. Et cette cause est la cause de l’homme. Nous différons entre nous, et ici même, sur les moyens. Mais je suis sûr que nous ne différons pas sur ce but, et le savoir, et nous le rappeler sans cesse, devrait rendre à notre débat public cette dignité et cette grandeur, qui sur fond de tant d’abandons et d’échecs collectifs, lui ont cruellement manqué ces dernières années. C’est à l’aune de ce mandat du peuple que nous avons à construire notre politique pour les cinq ans qui viennent. Vous l’aurez compris, vous le savez déjà, intimement, nous n’avons pas devant nous cinq ans d’ajustements et de demi-mesures. Les Français ne sont pas animés par une curiosité patiente, mais par une exigence intransigeante. C’est la transformation profonde qu’ils attendent. Qu’ils espèrent. Qu’ils exigent. Ne la redoutons pas. Embrassons-la au contraire. La charte de notre action a été fixée durant la campagne et vous en connaissez les jalons, sur lesquels je ne reviendrai pas. Les engagements seront tenus. Les réformes et ces transformations profondes auxquelles je me suis engagé seront conduites. Le Premier ministre, Edouard Philippe, que j’ai nommé afin qu’il en soit le dépositaire à la tête du gouvernement, en présentera la mise en œuvre dans son discours de politique générale.

II. Tout cela ne sera possible que si nous avons une République forte. Il n’est pas de République forte sans institutions puissantes. Nées de temps troublés, nos institutions sont résistantes aux crises et aux turbulences. Elles ont démontré leur solidité. Mais comme toutes les institutions, elles sont aussi ce que les hommes en font. Depuis plusieurs décennies maintenant, l’esprit qui les a fait naître s’est abîmé au gré des renoncements et des mauvaises habitudes. En tant que garant du bon fonctionnement des pouvoirs publics, j’agirai en suivant trois principes: l’efficacité, la représentativité, et la responsabilité.

A.

Il faut du temps pour penser la loi. Du temps pour la concevoir, la discuter et la voter. Du temps aussi pour s’assurer des bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos institutions soient plus efficaces, ce n’est donc pas sacrifier au culte de la vitesse, c’est rendre la priorité au résultat. Sachons mettre un terme à la prolifération législative. Elle affaiblit la loi, qui perd dans l’accumulation des textes une part de sa vigueur et, certainement, de son sens. Telles circonstances, tel imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du législateur. Car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays. Elle est faite pour en encadrer les tendances profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels, et pour donner un cap. Elle accompagne de manière évidente les débuts d’un mandat, mais légiférer moins, c’est consacrer plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois venant répondre à un vide juridique, venant éclairer une situation inédite. C’est cela, le rôle du Parlement. Légiférer moins, c’est mieux allouer le temps parlementaire. C’est, en particulier, réserver de ce temps au contrôle et à l’évaluation. Voter la loi ne saurait être le premier et le dernier geste du Parlement. Nos sociétés sont devenues trop complexes et trop rapides pour qu’un texte de loi produise ses pleins effets sans se heurter au principe de réalité. La voix des citoyens concernés par les textes que vous votez ne saurait être perçue comme attentatoire à la dignité législative. Elle est la vie, elle est le réel. Elle est ce pour quoi vous œuvrez. Bien s’assurer de la pertinence d’une loi et de ses effets dans le temps pour la corriger ou y revenir est aujourd’hui devenu une ardente obligation. Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’une évaluation complète de tous les textes importants, comme aujourd’hui celles sur le dialogue social ou encore sur la lutte contre le terrorisme dont nous avons récemment jeté les bases, soit menée dans les deux ans suivant leur mise en application. Il est même souhaitable qu’on évalue l’utilité des lois plus anciennes afin d’ouvrir la possibilité d’abroger les lois qui auraient par le passé été trop vite adoptées, mal construites, ou dont l’existence aujourd’hui représenterait un frein à la bonne marche de la société française. Enfin, le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la société. Il est des situations d’urgence que le rythme propre au travail parlementaire ne permet pas de traiter suffisamment vite. Songez à l’encadrement des pratiques issues du numérique en matière de protection des droits d’auteurs, de la vie privée de nos concitoyens ou de la sécurité nationale. Il faut qu’au temps long du travail législatif soit ajoutée la faculté d’agir vite. Ainsi, la navette pourrait être simplifiée. Je pense même que vous devriez pouvoir, dans les cas les plus simples, voter la loi en commission. Tout cela doit être sérieusement étudié. Je n’ignore rien des contraintes qui pèsent sur vous. Le manque de moyens, le manque d’équipes, le manque d’espace contrarient en partie les impératifs d’efficacité que je vous soumets. Pour cela, il est une mesure depuis longtemps souhaitée par nos compatriotes qu’il me semble indispensable de mettre en œuvre : la réduction du nombre des parlementaires. Un Parlement moins nombreux, mais renforcé dans ses moyens, c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux. C’est un Parlement qui travaille mieux. C’est pourquoi je proposerai une réduction d’un tiers du nombre de membres des trois assemblées constitutionnelles. Je suis convaincu que cette mesure aura des effets favorables sur la qualité générale du travail parlementaire. Les Français, pour leur majeure partie, en sont également certains. Cette réforme, qui devra être conduite en veillant à la juste représentation de tous les territoires de la République, n’a pas pour but de nourrir l’antiparlementarisme, au contraire. Elle vise à donner aux élus de la République plus de moyens et plus de poids. Le devoir d’efficacité ne saurait peser seulement sur le Parlement. L’exécutif doit en prendre sa part. Et d’abord, précisément, vis-à- vis du Parlement. C’est pourquoi j’ai voulu vous réserver, et à travers vous, aux Français, ma première expression politique depuis mon élection. Trop de mes prédécesseurs se sont vu reprocher de n’avoir pas fait la pédagogie de leur action ni d’avoir exposé le cap de leur mandat. Trop d’entre eux aussi ont pris des initiatives dont le Parlement n’était que secondairement informé pour que je me satisfasse d’en reconduire la méthode. Tous les ans, je reviendrai devant vous pour vous rendre compte. Si la considération et la bienveillance que cela traduit à l’égard du Parlement apparaissent à certains comme une dérive condamnable, c’est sans doute qu’ils ont de leur rôle de parlementaire et du rôle du Président de la République une conception vague que masquent mal l’arrogance doctrinaire ou le sectarisme. Il est toujours préoccupant que des représentants du peuple se soustraient aux règles de la constitution qui les a fait élire. Sieyès et Mirabeau ne désertèrent pas si promptement le mandat que leur avait confié le peuple. Le Président de la République doit fixer le sens du quinquennat et c’est ce que je suis venu faire devant vous. Il revient au Premier ministre qui dirige l’action du gouvernement de lui donner corps. C’est à lui qu’incombe la lourde tâche d’assurer la cohérence des actions, de conduire les transformations, de rendre les arbitrages et, avec les ministres, de vous les présenter. Je souhaite que cette responsabilité ait un sens. C’est pourquoi je demanderai au Premier ministre d’assigner à chacun des objectifs clairs dont annuellement ils me rendront compte ainsi qu’au Premier ministre. De même, l’efficacité commande que les ministres soient au cœur de l’action publique et retrouvent avec leur administration un contact plus direct. La réduction que j’ai voulue à dix du nombre de collaborateurs de cabinet comme le renouvellement de l’ensemble des directeurs d’administration centrale répond à cette priorité. Il s’agit de rendre aux directeurs d’administration disposant de la pleine confiance du gouvernement la connaissance directe de la politique de leur ministre, et ainsi d’en faciliter la conduite. Soumis eux-mêmes à l’obligation de résultat par la feuille de route qui les lie au Premier ministre, les ministres ne perdront pas de vue pour autant les conditions de mise en œuvre de leur politique. Je veux une administration plus déconcentrée, qui conseille plus qu’elle ne sanctionne, qui innove et expérimente plus qu’elle ne contraigne. Tel est le cercle vertueux de l’efficacité. C’est cette administration qui doit redonner à tous les territoires les moyens d’agir et de réussir. Car à la fin notre démocratie ne se nourrit que de l’action et de notre capacité à changer le quotidien et le réel.

B.

Le souci d’efficacité ne suffira pas à rendre à notre démocratie l’oxygène dont trop longtemps elle fut privée. S’il faut en finir avec la République inefficace, il faut en finir aussi bien avec la République du souffle court, des petits calculs et de la routine. Nous ne retrouverons la respiration profonde de la démocratie que dans le renouement avec la variété du réel, avec la diversité de cette société française à l’écart de laquelle nos institutions se sont trop soigneusement tenues, n’admettant le changement que pour les autres mais pas pour elles. La réalité est plurielle, la vie est plurielle. Le pluralisme s’impose à nos institutions, qui s’affaiblissent dans l’entre soi. Nous avons fait entrer ici la grande diversité française. Elle est sociale, professionnelle, géographique, de genre et d’origine, d’âge et d’expériences, de croyances et d’engagements. Nous ne l’avons pas composée comme un nuancier savant : nous avons simplement ouvert les portes aux citoyens auxquels le monde politique refusait l’accès. Je souhaite que ce renouvellement scelle le retour du débat que n’aveuglent pas les dogmes, du partage d’idées que ne dénature pas le caporalisme. C’est aussi pour cela que je crois à la vertu du pluralisme, au respect plein et entier des oppositions. Non parce qu’il s’agirait d’un usage. Mais parce que c’est la dignité du débat démocratique et votre ardente responsabilité. La représentativité reste toutefois un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées. C’est à cette même fin que nous limiterons le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Car il s’agit là de la clef de voûte d’un renouvellement qui ne se produira pas sous la pression de l’exaspération citoyenne mais deviendra le rythme normal de la respiration démocratique. Les parlementaires eux-mêmes verront dans leur mandat une chance de faire avancer le pays et non plus la clef d’un cursus à vie. Il est d’autres institutions de la République que le temps a figées dans les situations acquises quand le sens véritable de leur mission eût été d’incarner le mouvement vivant de la société française. Le Conseil Economique, Social et Environnemental est de celles-ci. Sa mission était de créer entre la société civile et les instances politiques un trait d’union, fait de dialogue constructif et de propositions suivies d’effets. Cette intention fondatrice s’est un peu perdue. Je souhaite qu’on renoue avec elle. Le CESE doit devenir la Chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la nation. Pour cela nous devons revoir, tout en réduisant le nombre de ses membres d’un tiers, de fond en comble les règles de sa représentativité. Celle-ci étant acquise, nous ferons de cette assemblée le carrefour des consultations publiques. L’Etat ne travaille pas, il ne réforme pas, sans consulter. L’actuel CESE doit pouvoir devenir le forum de notre République. Il réunira toutes les sensibilités et toutes les compétences, du monde de l’entreprise et du travail, des entrepreneurs et des syndicats, des salariés comme des indépendants, donnera un lieu d’expression aux associations et aux ONG, et deviendra ainsi pour l’Etat la grande instance consultative qui fait aujourd’hui défaut. Dans le même temps, je souhaite que le droit de pétition soit revu afin que l’expression directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions des Français puissent être présentées à la représentation nationale. Là aussi, il en va de la représentativité de notre démocratie. Une représentativité qui ne vivrait pas seulement une fois tous les cinq ans mais au quotidien dans l’action du législateur. Fondé sur une représentativité plus grande, animé par le souci d’efficacité, le débat démocratique et plus particulièrement le débat parlementaire retrouveront leur vitalité. Le désir d’agir et de faire avancer la société reprendra son rang premier au sein de nos institutions et il rejoindra cet autre principe souverain dont trop souvent nous nous sommes départis, celui de responsabilité.

C.

Une activité parlementaire revivifiée par un cap clair, des débats mieux construits, des impacts évalués, des procédures adaptées aux objectifs, c’est un Parlement plus apte à exercer sa mission de contrôle, sans laquelle la responsabilité de l’exécutif est affaiblie. Je souhaite qu’au Parlement la majorité comme les oppositions puissent avoir encore davantage de moyens pour donner un contour et une exigence à la responsabilité politique de l’exécutif. Les ministres eux-mêmes doivent devenir comptables des actes accomplis dans leurs fonctions ordinaires. C’est pour cette raison que je souhaite la suppression de la Cour de Justice de la République. Il faudra trouver la bonne organisation mais nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception. Faire vivre la responsabilité partout dans nos institutions, c’est aussi assurer l’indépendance pleine et entière de la justice. C’est une ambition qui doit demeurer, malgré les impasses et les demi-échecs rencontrés dans le passé. Je souhaite que nous accomplissions enfin cette séparation de l’exécutif et du judiciaire en renforçant le rôle du Conseil supérieur de la magistrature, et en limitant l’intervention de l’exécutif dans les nominations des magistrats du parquet. A tout le moins ce conseil devrait donner un avis conforme pour toutes les nominations de ces magistrats. C’est un changement profond des pratiques que j’appelle de mes vœux. Je ne méconnais pas l’évolution institutionnelle et constitutionnelle que cela requiert. C’est pourquoi je demanderai à Madame la Garde des Sceaux, à Monsieur le ministre de l’Intérieur et aux présidents des deux chambres de me faire pour l’automne des propositions concrètes permettant d’atteindre cet objectif. Je souhaite que la totalité des transformations profondes que je viens de détailler et dont nos institutions ont cruellement besoin soit parachevée d’ici un an et que l’on se garde des demi-mesures et des aménagements cosmétiques. Ces réformes seront soumises au vote du Parlement mais si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie de référendum. Car il s’agit ici de rien moins que retisser entre les Français et la République le rapport qui s’est dissous dans l’exercice mécanique du pouvoir. En faisant progressivement du mandat électif un statut, nous avons effacé ce qui en est la nature profonde : le lien avec le citoyen. Je ne parle pas de cette proximité avec l’électeur que je sais souvent réelle et sincère. Je parle de ce lien politique qui naît de l’élection et crée entre l’électeur et l’élu un pacte, un contrat – pas seulement moral, mais politique au sens le plus fort de ce terme, c’est-à- dire exprimant le sens même de la citoyenneté. Je veux réveiller ce sens du pacte civique. Je veux que l’efficacité, la représentativité et la responsabilité fassent émerger clairement et fortement une République contractuelle. La confiance accordée y va de pair avec les comptes qu’on rend. L’action s’y déploie dans un cadre partagé entre le mandataire et le mandant, et non au fil des circonstances. C’est cela, le sens de ce contrat social qui fonde la République, et dont le sens s’est tellement perdu. La politique ici rejoint la morale. Ce que nous ferons pour les institutions de la République, je souhaite le faire aussi pour nos territoires. Ne redoutons pas de nouer avec les territoires des accords de confiance. Nous savons tous combien notre France est diverse et combien est importante l’intimité des décideurs publics avec le terrain de leur action. La centralisation jacobine traduit trop souvent la peur élémentaire de perdre une part de son pouvoir. Conjurons cette peur. Osons expérimenter et déconcentrer, c’est indispensable pour les territoires ruraux comme pour les quartiers difficiles. Osons conclure avec nos territoires de vrais pactes girondins, fondés sur la confiance et sur la responsabilité. Nombre de nos territoires l’attendent. La conférence des territoires qui sera bientôt lancée et sera conduite par le Premier ministre répond à cette préoccupation. Il ne s’agira pas uniquement d’une conférence budgétaire ou financière, mais aussi de trouver ensemble les moyens d’adapter nos politiques aux réalités locales, et de donner davantage de latitude aux collectivités territoriales. Et je pense en particulier aux collectivités d’outre-mer qui doivent avoir tous les moyens pour réussir. C’est ce même esprit de confiance qui fonde cette République contractuelle que d’ores et déjà nous faisons avancer dans la société et le monde du travail en donnant à celles et ceux qui sont au plus près de la réalité de l’entreprise une capacité plus grande à en réguler le quotidien, non dans le rapport de force, mais dans un cadre convenu et partagé. Nous savons tous que la confiance exige un soin plus grand que l’usage unilatéral de l’autorité. Nous savons aussi qu’elle produit de plus grands résultats et qu’elle suscite cette concorde sans laquelle il n’est pas de vie civile supportable. La France a vécu assez d’épreuves et connu assez de grandeurs pour n’être pas ce peuple-enfant que l’on berce d’illusions. Chaque Français a sa part de responsabilité et son rôle à jouer dans la conquête à venir. En retrouvant l’esprit de nos institutions, nous redonnerons à la nation tout entière le sentiment de retrouver la maîtrise de son destin et la fierté de reprendre en main le fil de son histoire. C’est la condition même de la réconciliation de notre pays.

III.

Pour être au rendez-vous que le Peuple nous a donné, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est pourquoi j’aurai besoin pour notre République de la mobilisation de tous autour de quelques grands principes d’action. Il ne s’agit pas ici pour moi de décliner l’action du gouvernement. C’est la tâche du Premier ministre et je n’égrènerai pas ici tous les secteurs les métiers et les territoires. Que chacun sache néanmoins que ces grands principes valent pour tous.

A.

Le premier doit être la recherche d’une liberté forte. En matière économique, sociale, territoriale, culturelle, notre devoir est d’émanciper nos concitoyens. C’est-à-dire leur permettre de ne pas subir leur vie mais bien d’être en situation de la choisir. De pouvoir “faire” là où trop souvent nos règles entravent au prétexte de protéger. Je crois à cet esprit des Lumières qui fait que notre objectif à la fin est bien l’autonomie de l’homme libre, conscient et critique. Trop de nos concitoyens se sentent encore prisonniers de leurs origines sociales, de leur condition, d’une trajectoire qu’ils subissent. Or l’enclavement, l’isolement, l’absence d’accès aux transports assignent à résidence des millions de nos compatriotes. La liberté forte que nous avons à bâtir, c’est ce combat pour les mobilités physiques et numériques, afin que nul de nos territoires ne soit exclu du progrès et de l’accès. C’est le combat de la mobilité économique et sociale par le travail et par l’effort pour tous nos concitoyens, quel que soit leur quartier, leur prénom et leur origine. C’est le combat pour l’égalité pleine entre les femmes et les hommes. Ce beau combat dont notre pays a perdu il y a quelques jours une figure essentielle en Madame Simone Veil. La liberté forte, c’est la liberté de choisir sa vie. Car la liberté est ce qui réconcilie liberté et égalité, justice et efficacité. La liberté d’expérimenter, mais aussi la liberté de se tromper sont des libertés qui restent à construire. On n’embarque plus dans son existence pour un voyage au long cours. Nos vies sont explorations, tentatives, recherche. Sachons inventer cette liberté-là avec les nouvelles protections individuelles qui vont avec, en assurant l’éducation, la formation et les sécurités utiles aux grandes étapes de la vie pour pouvoir construire une existence. C’est tout le sens des transformations économiques et sociales profondes que le gouvernement aura à conduire dans les prochains mois: libérer et protéger, permettre d’innover en construisant une place pour chacun. Vouloir la liberté forte en ces temps de terrorisme, c’est assurer la sécurité de chacun et garantir le plein respect des libertés individuelles. Je veux ici vous parler avec franchise du terrorisme islamiste et des moyens de le combattre. Que devons-nous aux victimes? Que devons-nous à ceux qui sont morts ? Que devons-nous à la France endeuillée par ces assassinats marqués du sceau de la lâcheté, de la bêtise et de l’aveuglement? Certainement pas de nous limiter à l’esprit victimaire ou à la seule commémoration. Nous leur devons la fidélité à nous-mêmes, à nos valeurs et à nos principes. Renoncer, c’est concéder au nihilisme des assassins sa plus belle victoire. D’un côté, je rétablirai les libertés des Français en levant l’état d’urgence à l’automne, parce que ces libertés sont la condition de l’existence d’une démocratie forte. Parce que les abandonner c’est apporter à nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps les adversaires de la démocratie ont prétendu qu’elle était faible et que si elle voulait combattre il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C’est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu’il est, les pouvoirs des magistrats tels qu’ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, nous permettre d’anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l’administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n’a aucun sens, ni en termes de principes ni en termes d’efficacité. Mais d’un autre côté, je souhaite que le Parlement puisse voter ces dispositions nouvelles qui nous renforceront encore dans notre lutte. Elles devront viser explicitement les terroristes à l’exclusion de tous les autres Français. Elles comporteront des mesures renforcées, mais qui seront placées sous la surveillance du juge judiciaire, dans le respect intégral et permanent de nos exigences constitutionnelles et de nos traditions de liberté. La démocratie n’a pas été conçue simplement pour les temps calmes. Elle vaut surtout pour les moments d’épreuve. Il est là, le chemin de l’efficacité, et c’est le même chemin que celui des valeurs. Un pays rassemblé, uni sur ses principes, une société pleinement consciente de ce qui la fonde sont invincibles. Tel est exactement le sens profond des textes que vous aurez à examiner. Ils visent à nous libérer de la peur, de l’aliénation à la volonté de nos adversaires. Nous travaillerons à prévenir tout nouvel attentat, et nous travaillerons à les réprimer, sans pitié, sans remords, sans faiblesse, avec d’autant plus de force que nous n’aurons cédé sur rien de ce qui nous constitue. J’en prends l’engagement devant vous, et, au-delà, devant le peuple français. Rappelons-nous que c’est au plus fort de la guerre d’Algérie qu’a été écrite et votée cette disposition de notre Constitution qui prévoit que l’autorité judiciaire est la gardienne de nos libertés. Montrons-nous dignes de la fermeté d’âme de ceux qui nous ont précédés dans les épreuves. Enfin, la liberté forte c’est toujours, en France, la liberté de conscience. C’est-à- dire la liberté intellectuelle, morale, spirituelle. De cette liberté, la France doit être l’indispensable havre. L’éducation et la culture en sont les clés. Elles sont au cœur de mon action car, en cette matière, rien n’est jamais acquis. Les progrès de l’obscurantisme nous rappellent ainsi à l’idéal des Lumières. La laïcité en est l’indispensable corollaire. A ces principes et à ces ambitions, la République a su ne rien céder car ils sont la condition même de l’autonomie de nos concitoyens. De cette culture libérale, ouverte, généreuse, nous devons refaire ensemble la singularité de la France car c’est par là que toujours elle sut rayonner. Au sein de la culture mondialisée et dont on observe la prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et de la culture française doivent occuper une place éminente, associant tous les Français de métropole et d’outre-mer.

B.

Cette liberté ne se tiendrait pas si notre deuxième principe d’action n’était de retrouver le socle de notre fraternité. Notre peuple n’est pas formé d’un peu plus de soixante-cinq millions d’individus qui cohabiteraient. Il est indivisible précisément car ce qui le tient est plus fort que des règles ou des organisations. C’est un engagement chaque jour répété qui fait que notre citoyenneté n’est jamais abstraite et froide mais qu’elle n’est  pleine et entière que par ce lien fraternel qui nous unit et dont nous devons retrouver la vigueur. L’un des drames de notre pays, c’est que cet engagement est tout simplement impossible pour ceux que les dysfonctionnements de nos systèmes sclérosés rejettent en permanence sur les marges. Il nous reviendra, au cours de ce quinquennat, de prendre la vraie mesure de cette question, de redéfinir nos moyens d’actions, sans nous laisser arrêter par de vieilles habitudes, en associant l’Etat, les collectivités, les associations, les fondations, toutes les entités qui, privées ou publiques, œuvrent à l’intérêt général et pour la dignité des personnes. Nous devons substituer à l’idée d’aide sociale, à la charité publique, aux dispositifs parcellaires, une vraie politique de l’inclusion de tous. La représentation nationale y trouvera un enjeu, un défi, à sa mesure, à votre mesure. Ne vous y trompez pas. Cette question est la plus profonde, la plus sérieuse qui soit. Notre société de la compétition et de l’efficacité est menacée à chaque instant de perdre son humanité, de perdre son âme. Pourquoi ? simplement parce qu’elle est portée à considérer les personnes non selon leur dignité intrinsèque, mais selon leur utilité sociale, et de manière tout aussi grave, en sous-estimant l’utilité sociale qu’elles peuvent avoir. Ainsi les plus jeunes sont mis indéfiniment à l’épreuve, les plus âgés, au rebut. Les chômeurs sont pointés du doigt. Mais ce sont aussi les réfugiés, vus comme un fardeau et non comme une chance. Les détenus, qui sont oubliés dans des prisons dégradées, sans espoir d’amendement. Les exclus, les sans-abris, qui sont vus comme des problèmes plus que comme des humains. Les personnes en situation de handicap, réduits à leur apparence au mépris de leur vie. C’est la « part maudite » de notre société, pour reprendre la belle formule de Georges Bataille, qui dit tant de ce que nous sommes. Le regard que la société jette sur eux est bien le même : c’est, en vérité, une absence de regard. Nous passons sans les voir. Nous refusons même jusqu’au témoignage de leur fragilité. Je voudrais le dire avec force : cela n’est pas digne de nous. Cette France nouvelle que nous voulons faire advenir, elle est la leur autant que la nôtre. Il nous faut nous en souvenir, et, chacun où le suffrage nous a placés, penser en conséquence l’action politique que nous avons à définir. Car en définitive, le sentiment d’appartenance existe moins qu’avant. Nos sociétés modernes ont tendance à se fractionner au gré des intérêts, des égoïsmes, des idées de chacun. Mais là encore il nous revient, dans l’action politique, de résister aux forces de division, aux effets de dislocation qui sont à l’œuvre et qui ne sont aucunement invincibles pour peu qu’on s’en donne les moyens. L’appartenance ne se décrète pas. Aussi cette solidarité doit-elle trouver des formes concrètes. L’école en est le premier creuset. Notre université ensuite. Notre culture. Ce sont là les formes concrètes de ce qui nous unit et ce qu’il nous faut . La langue, l’accès au savoir et à l’éducation, l’ouverture à des possibles qui nous rassemblent forgent un peuple. Face à la crise morale et de civilisation que nous vivons, nous devons savoir forger un imaginaire puissant et désirable où chacun trouvera sa place. Enfin, il y a le service national que j’ai proposé. Il faut que les jeunes Français réapprennent à se connaitre et j’ose le dire à s’aimer, au-delà des différences d’origine, de milieu, de métier. Et il faut qu’ils réapprennent, au contact de ces actions essentielles de l’Etat que sont la défense, la sécurité civile ou l’action humanitaire et civique, que notre démocratie ne vaut que par l’exercice de notre citoyenneté, et ne dure, dans sa beauté, dans sa grandeur, dans les valeurs qu’elle défend, que par l’engagement personnel de chacun. Il faut que notre jeunesse puisse apprendre de ceux qui parmi elle ont fait le choix du dévouement et du courage, au péril parfois de leur vie.

C.

Le troisième principe d’action de notre mobilisation, c’est l’intelligence française. Par intelligence je pense évidemment aux grandes découvertes, aux chercheurs, à nos grands physiciens, à nos grands médecins, aux inventeurs, aux innovateurs ; je pense aux écrivains, aux philosophes, aux historiens, aux cinéastes, qui continuent d’apporter au monde ce regard libre des préjugés qui fait notre force ; je pense aux peintres ou aux musiciens qui remettent, au fond, la politique à sa juste place en nous faisant entrevoir un au-delà de l’existence immédiate qui rend à la condition humaine sa grandeur, sa beauté, souvent son tragique. Redonner toute sa place à l’intelligence française, c’est aussi se refuser à toutes ces incohérences qui nous minent. Et nous y parviendrons qu’au prix d’un véritable effort de réflexion collective. Nous ne pouvons pas, par exemple, continuer d’affirmer hautement notre attachement aux principes de l’asile, tout en nous abstenant de réformer en profondeur un système qui, débordé de toutes parts, ne permet pas un traitement humain et juste des demandes de protection émanant d’hommes et de femmes menacés par la guerre, la persécution politique, religieuse, ethnique et sexuelle. Ceux qu’on appelait en 1946 les combattants de la liberté. Redonner sa place à l’intelligence française c’est faire de notre pays le centre d’un nouveau projet humaniste pour le monde. Le lieu où se concevra et se créera une société qui retrouve ses équilibres : la production et la distribution plutôt que l’accumulation, l’alimentation saine et durable, la finance équitable, le numérique au service de l’homme, la fin de l’exploitation des énergies fossiles et la réduction des émissions. Redonner sa place à l’intelligence française, enfin, c’est comprendre que les Français sont assez intelligents pour faire leur chemin tout seuls. Ce ne sont pas les Français qu’il faudrait désintoxiquer de l’interventionnisme public, c’est l’Etat lui-même. Il faut évidemment protéger les plus faibles, dans le droit du travail en particulier. Mais protéger les plus faibles, ce n’est pas les transformer en mineurs incapables, en assistés permanents de l’Etat, de ses mécanismes de vérification et de contrôle. C’est de leur redonner, et à eux seuls, les moyens de peser efficacement sur leur destin. Tout sera fait pour rendre aux Français cette autonomie qu’on leur a disputée puis confisquée. Redonner sa place à l’intelligence française, c’est permettre à chacun , à chaque territoire, à ceux qui se sentent déclassés, de réussir, de s’engager.

D.

J’en viens à présent au dernier principe de l’action que j’entends mener: construire la paix. Nous le savons, ce monde dans lequel nous dessinons pour la France un chemin, à la fois neuf et fidèle à sa vocation ancienne, est un monde dangereux. Notre environnement, y compris notre environnement proche, se caractérise par l’accumulation des menaces. C’est bien l’ombre de la guerre qui, à chaque nouvelle crise, se profile. La déflagration mondiale n’est plus le spectre que brandissent les pessimistes : elle est pour les réalistes une hypothèse sérieuse. Les affirmations de puissance reviennent ou émergent. Les mouvements terroristes se développent dans de multiples régions avec des moyens qui augmentent leur capacité de nuisance. Les guerres régionales atteignent des degrés nouveaux de barbarie. Les alliances d’hier s’effritent, l’ordre multilatéral doute de lui-même, les régimes autoritaires et les démocraties illibérales fleurissent. L’espace cybernétique propage et amplifie les instruments de cette guerre du tout contre tous. La dérive du monde impose son rythme erratique, ses excès en tous genres, détruisant l’homme, le déracinant, effaçant sa mémoire. Cela nous impose des devoirs. Les plus graves sans doute qu’une nation puisse porter. Celui de maintenir ouverte la voie de la négociation, du dialogue et de la paix face aux entreprises les plus sinistres. La vocation de la France, sa fidélité à son histoire est de savoir construire la paix et promouvoir la dignité des personnes. C’est pourquoi partout nous devons agir d’abord pour protéger nos intérêts et au premier chef notre sécurité. C’est ce qui m’a conduit à réaffirmer notre engagement au Sahel comme au Levant, pour lutter contre le terrorisme et contre le fanatisme. Dans notre intérêt comme dans celui des peuples concernés. Et je tiens là l’engagement de nos armées chaque jour depuis tant de mois. Mais une telle action ne peut être efficace que si elle s’inscrit dans la durée et vise donc à construire les solutions politiques permettant la sortie de crise. Je ne vous proposerai pas de nous substituer à d’autres peuples car je ne veux pas qu’apparaissent de nouveaux états faillis. Toujours la France doit respecter la souveraineté des peuples. Mais partout où les libertés ne sont pas respectées, nous oeuvrerons, à travers notre diplomatie et nos actions de développement, afin d’aider les minorités, de travailler au service des sociétés pour le respect des droits. Cela suppose un travail exigeant, parfois long et ingrat, qui impose de replacer la France au cœur du dialogue entre les nations. C’est depuis plusieurs semaines ce que je m’emploie à faire, du Mali à la Syrie en passant par le Golfe, en échangeant en profondeur avec tous les dirigeants du monde. La France doit construire des équilibres multiples, même si parfois ils deviennent fragiles. Notre outil militaire revêt dans ces circonstances une importance majeure. J’ai déjà ordonné une revue stratégique de défense et de sécurité. Avec comme fils directeurs les principes d’indépendance et d’autonomie de décision, nos armées assureront les missions que je leur ai confiées : la dissuasion, clé de voûte de notre sécurité, la protection de nos concitoyens et de nos intérêts, l’intervention là où le respect du droit et de la stabilité internationale sont menacées. La prévention des crises et leur résolution sera gérée de manière globale en n’oubliant jamais que seuls la stabilisation et le développement permettent de créer les conditions d’une paix durable. L’indépendance que j’appelle de mes vœux ne veut pas dire solitude. La France sera fidèle à toutes ses Alliances. Les prochaines années seront pour nos armées celles d’un renouvellement stratégique et tactique. Je sais qu’elles y sont prêtes car elles sont aux avant-postes du monde tel qu’il va, avec cette vigilance et cet engagement qui font honneur à notre pays. Vous le voyez, les menaces n’ont jamais été si grandes. L’ordre multilatéral est sans doute aujourd’hui plus nécessaire que jamais alors précisément qu’il est fragilisé. Dans les années à venir, le rôle de la France sera de défendre la sécurité, l’égalité, les libertés, la planète face au réchauffement climatique tout ce qui constitue notre bien commun universel et qui chaque fois est remis en cause. C’est cela mon cap, et aucun autre. Ce cours du monde vient éprouver notre résistance et notre cohérence. C’est à titre d’exemple ce que nous vivons avec les grandes crises migratoires qui traversent l’Afrique, la Méditerranée, et à nouveau bousculent l’Europe. Nous devons à la fois mieux les prévenir par une politique de sécurité et de développement ambitieuse, et mieux les endiguer par une politique de contrôle et de lutte contre les trafics de personnes. Il faut pour cela mener de manière coordonnée en Europe une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel car ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économiques et sans abandonner l’indispensable maintien de nos frontières. Pour réussir à tenir ce cap, nous avons besoin d’une Europe plus forte et refondée. Plus que jamais nous avons besoin de l’Europe or elle est affaiblie par les divisions et par le doute qui s’est installé dans notre peuple. Pourtant l’Europe est chez nous autant que nous sommes en Europe, parce qu’il est impossible de penser notre destinée continentale autrement qu’au travers du projet Européen. L’Europe, c’est nous ; et c’est aussi autre chose que nous-mêmes. C’est à la fois l’intime et l’étranger. Elle est gravée dans la chair de notre histoire. Hier dans les conflits les plus meurtriers mais aussi dans des dialogues philosophiques, scientifiques, artistiques qui ont tissé l’histoire de l’humanité, aujourd’hui dans un effort de concorde et de paix sans précédent. Négliger l’Europe, s’habituer à n’en faire qu’un objet de négociations techniques, c’est abdiquer notre histoire, c’est diminuer la France. Or la construction européenne est fragilisée par la prolifération bureaucratique et par le scepticisme croissant qui en découle. Je crois fermement à l’Europe, mais je ne trouve pas ce scepticisme injustifié. Je vous propose de reprendre de la hauteur, de sortir de la tyrannie des agendas et des calendriers et des méandres de la technique. La décennie qui vient de s’achever a été pour l’Europe une décennie cruelle. Nous avons géré des crises mais nous avons perdu le cap. Face à cet échec, qu’il faut avoir le courage de regarder en face et dont le “Brexit” n’est qu’un symptôme, certains voudraient nous faire croire qu’il n’y a d’autre choix que l’abandon de l’euro, de l’Union, le retour des frontières et la résurrection du passé, d’ailleurs idéalisé, de la souveraineté. Je tiens que cette option serait tragique et pour la France et pour l’Europe. Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine, qui est politique dans son essence : une association volontaire, réaliste et ambitieuse d’Etats décidés à faire prévaloir des politiques utiles en matière de circulation des personnes et des biens – et notamment de la jeunesse, en matière de sécurité, en matière monétaire et fiscale mais aussi culturelle et politique. Les pays de l’Europe pour lesquels celle-ci ne se réduit pas au marché, mais dessine un espace où une certaine idée de la valeur de l’homme, et l’exigence de justice sociale, sont reconnus comme prééminents, doivent se ressaisir d’un projet décisif et s’organiser en conséquence, fût-ce au prix d’un examen sans complaisance de notre fonctionnement actuel. Il revient à la France d’en prendre l’initiative. Je souhaite le faire grâce et par le travail étroit que j’ai d’ores et déjà engagé avec la Chancelière d’Allemagne. D’ici la fin de l’année, sur cette base, nous lancerons partout en Europe des conventions démocratiques. Libre à chacun ensuite d’y souscrire ou non. Mais le temps n’est plus aux raccommodages. Il faut donc reprendre l’Europe à son début, si je puis dire, à son origine même, et faire revivre le désir d’Europe. Comment? Précisément, en ne laissant pas le monopole du peuple et des idées aux démagogues ou aux extrémistes. En ne faisant pas de l’Europe un syndic de gestion de crise, qui cherche chaque  jour à allonger son règlement intérieur parce que les voisins ne se font plus confiance. Mais surtout en retrouvant le souffle premier de l’engagement européen, cette certitude où furent les visionnaires des siècles passés et les pères fondateurs de l’Europe que la plus belle part de nos histoires et de nos cultures s’exprimerait non dans la rivalité, encore moins dans la guerre, mais dans l’union des forces. N’est-ce pas cette union dont notre temps a besoin ? Les défis de la modernité ont ceci de commun qu’ils dépassent nos frontières nationales mais requièrent, pour être affrontés, une vision commune du monde et de l’homme, une vision trempée aux mêmes sources, forgée par les mêmes épreuves. Ces défis sont la transition écologique, qui refonde le rapport de l’homme et de la nature ; la transition numérique, qui réécrit les règles sociales et nous oblige à réinventer ce droit continental où depuis tant de siècles nous avons voulu que la norme respecte l’homme ; c’est enfin le défi de l’humanisme contemporain face aux dangers du fanatisme, du terrorisme, de la guerre, auquel nous répondrons par une Défense plus européenne en cours d’édification, mais aussi par une Europe de la culture et de l’innovation. La paix n’est pas seulement le socle de l’Europe, elle en est en l’idéal, toujours à promouvoir, ici et dans le monde. Nous romprons avec les facilités que nous nous étions données au cours des années précédentes pour être à la hauteur de ce que le moment exige de nous. Fernand Braudel le disait, “L’Europe ne sera pas si elle ne s’appuie sur ces vieilles forces qui l’ont faite, qui la travaillent encore profondément, d’un mot si l’on néglige tous ses humanismes vivants”. Ne les négligeons plus.

*

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Nous connaissons à présent l’enthousiasme des commencements, mais la gravité des circonstances nous empêche d’en ressentir aucune ivresse. Le terrorisme n’a pas désarmé. La construction européenne est en crise. Nos équilibres financiers sont dégradés, notre dette considérable. L’investissement productif est faible. Le chômage atteint des niveaux insupportables. La pauvreté s’étend, et aussi la dureté de la vie. Mais le peuple français nous a fait connaitre ses volontés, et nous en serons les serviteurs. Il y aura des traverses, il y aura de l’imprévu, il y aura des oppositions, toutes les oppositions de ce vieux monde que nous devons quitter pour renaître. Mais nous ne nous laisserons pas décourager. Devant chaque difficulté, au lieu de baisser les bras, nous en reviendrons à l’essentiel et nous y puiserons une énergie plus grande encore. J’y suis prêt. Je suis sûr que vous l’êtes aussi. Car par notre engagement les Français retrouvent leur fierté. Le peuple français ne nous demande pas seulement de l’efficacité. L’efficacité est un instrument, et puis on peut être tout à fait efficace au service d’une mauvaise cause. Il nous demande ce que la philosophe Simone Weil appelait l’effectivité. C’est-à- dire l’application concrète, tangible, visible, des principes qui nous guident. Le refus d’être pris en défaut, et de clamer des principes dont nous ne poursuivons pas sans relâche l’application. Le principe d’effectivité, c’est d’abord, pour vous, pour moi, pour le gouvernement, de ne jamais cesser de se demander si nous sommes en pratique fidèle à nos principes, c’est-à- dire d’abord à la liberté, à l’égalité, à la fraternité. Je le dis sans ambages. Aujourd’hui, nous sommes loin du compte et le peuple français nous a fait savoir que cela ne pouvait plus durer. Nous devons à chaque instant être à la hauteur de cet esprit français par l’engagement de tous. Ce que nous avons à accomplir, c’est une véritable révolution. Voici plus de 30 ans que nous nous accommodons d’un double discours, les grands principes d’un côté, Le langage politique de l’autre, et entre les deux rien, le néant des réalisations caché par l’accumulation des lois et réglementations de toutes sortes. Nous sommes ici, vous comme moi, pour changer cet ordre des choses. Pour renouer avec ce courage français qui ne se laisse pas distraire par ceux qui, n’ayant su aller nulle part, sont revenus de tout. Car, ne vous y trompez pas, les forces adverses continuent d’être puissantes, non pas tant au Parlement ou dans la rue que tout simplement dans les têtes. En chacun de nous il y a un cynique qui sommeille. Et c’est en chacun de nous qu’il faut le faire taire, jour après jour. Et cela se verra. Alors nous serons crus. Alors nous rendrons le service que le peuple français attend de nous. Alors nous resterons fidèles à cette promesse de nos commencements, cette promesse que nous tiendrons parce qu’elle est la plus grande, la plus belle qui soit: faire à l’homme, enfin, un pays digne de lui.

Author

Oisat Wasat

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